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Ramen ta Quenelle        ラメンタケネール
14 décembre 2013

Moi quand je serai grand, je veux une matraque rouge fluo avec des lumières. Emplois inutiles (ou du moins...)

Laissez-moi vous parler d'une forte coutume locale : l'emploi presque total et l'employé inutile.

 

Commençons par un petit background. De manière tout à fait officielle, le Japon est en "crise" depuis le début des années 90, après l'éclatement d'une immense bulle immobilière (à l'époque la surface des jardins de l'empereur au centre de Tôkyô avait la valeur de l'ensemble de la Californie) qui a entrainé également l'effondrement des marchés de capitaux et la banqueroute de nombreuses institutions financières. Ce traumatisme gigantesque a fait chuter le pays du soleil levant de la place de première puissance économique mondiale (et oui, à l'époque le Japon avait dépassé les Etats Unis pendant quelques mois) à la seconde.

Depuis lors donc, on considère que le Japon vit dans un état de stagnation économique, que l'on a appelé d'abord la décennie perdue, et que l'on nomme maintenant la double décennie perdue et parfois, diantre, la génération perdue. Blagounette. Je m'explique.

Loin de moi l'idée de défendre coûte que coûte le Japon et d'en faire le paradis sur terre où tout est beau, mignon et extra mais il faut bien voir que la réalité est différente et que de nombreux économistes commencent à revoir leur copie. En effet, bien que le Japon n'ait jamais renoué avec la croissance galopante qui était la sienne après la fin de la seconde guerre mondiale, l'économie se porte en fait plutôt bien, avec une croissance et un taux de chômage qui font pâlir d'envie les observateurs occidentaux. Les dépenses sociales n'ont pas été coupées, ou du moins très peu, bien que pas augmentées non plus (ce qui peut expliquer notamment la très faible natalité du pays, mais cela sera l'objet d'un autre article). La précarité des emplois a certes augmenté, de nombreux emplois de type CDD, ou encore d'intérim ont largement augmenté, passant à 30%-40% environ du nombre total de contrats de travail. Cela s'oppose à la vision traditionnelle de la relation de travail à la japonaise : travail à vie dans l'entreprise et évolution professionnelle garantie qui est, ma foi, un joyau d'emploi qui, il est vrai, s'égratigne petit à petit.

Mis à part cela, le niveau de vie à globalement augmenté, et l'effet de la crise (qui a été, en proportion, au moins aussi violente que celle de 2008) a été fort bien amorti par la tendance des ménages japonais à ne pas consommer outre mesure, ne pas faire de crédits à outrance, et surtout d'économiser beaucoup. Ils ont donc vraiment amorti les premiers temps avec leur épargne, leur tendance frugale a fait le reste ce qui a conduit aujourd'hui à une augmentation du niveau de vie par l'activité économique, preuve qu'elle n'est pas si atone que ça. Cela s'est traduit durant cette période par un accroissement de l'accès aux loisirs, de l'augmentation de la durée de vie et des standards de santé et de confort.

En bref, contrairement à ce qui se dit, vu de loin, le Japon n'est pas l'archipel atone que l'on décrit souvent. Il dispose d'ailleurs de ressources considérables qui font que le vieux samourai est loin d'être sorti de la course, que ce soit sur le plan militaire, économique ou culturel. M'enfin ça ce sera pour une petite série d'articles spéciaux sur la raison pour laquelle, selon moi et selon ce que je lis, vois, étudie, le Japon reste un acteur puissant sur la scène internationale et surtout asiatique et qu'il ne faut pas se laisser aveugler trop vite par la montée en puissance de la Chine qui a souvent tendance à occulter tout le reste.

 

La question est :  pourquoi vous dis-je tout cela? Pour vous parler de l'emploi et des emplois inutiles.

 

M'enfin, sans plus tarder, trêve d'introduction.

 

Les emplois donc.

Comme je vous le disais, le taux de chômage est très bas au Japon et cela se ressent tout de suite. Premier constat (et cause peut être), les Japonais ont vraiment le goût du service. Il serait vraiment inconvenant de faire attendre de trop les clients dans un magasin, restaurant, banque, musée, … Du coup il y a toujours beaucoup de gens qui sont employés (je trouve), en particulier dans les grandes surfaces. Ici d'ailleurs, alors qu'on imagine les Japonais prêts à mettre de la technologie et des robots dans tous les coins, c'est un peu le contraire, on est très loin des caisses automatiques, … Je n'en ai jamais vu en fait, même dans les coins les plus branchés (la réalité étant que les Japonais sont par contre très performants pour automatiser les chaînes industrielles). J'imagine qu'ils n'aimeraient pas vraiment un robot pour des activités de service car il faut bien le dire, ils aiment qu'on leur lèche les bottes. Du coup dans tout ce qui est domaine de service, beaucoup d'employés sont présents, ce qui est fort agréable d'ailleurs car il y a en effet toujours un bon service, même durant les périodes de forte affluence (big up spécial aux employés de boite de nuit particulièrement actifs, genre à nettoyer toutes les tables tout le temps pour qu'elles soient clean en permanence, mais bon, c'est une boite quoi, donc c'est un peu dégueulasse 2 minutes après).

On rencontre parfois des automates de commande dans certains restaurants fastfood (souvent ouverts 24h/24). Mais je pense qu'ils sont utilisés davantage pour éviter que le personnel n'ait à gérer des questions d'argents que pour limiter le service. En effet, la machine se contente de vous délivrer un ticket et ensuite il faut allez voir le petit monde avec et blablabla.

 

Autre facette de cet emploi mirobolant, ce que je me permets d'appeler les emplois inutiles.

 

En effet, il est un peu surprenant de voir au Japon de nombreuses personnes qui ont, en apparence, et dans les faits, un emploi d'une "utilité" tout à fait relative. Evitons l'accroc, basculons si vous le voulez bien dans un plus politiquement correct. Ce ne sont pas des emplois inutiles, ils ont bien leur utilité propre, mais disons qu'ils ne sont pas forcément nécessaires. En ceci je veux dire que ces gens font en effet quelque chose de leurs journées, mais on se dit qu'il serait possible de s'en passer .

J'entends d'ici certaines bouches me dire que les toiletteurs de chiens, les coachs sportifs et les participants de télé-réalité ne sont pas nécessaires non plus. Je dis okay. Mais j'en appelle à votre bonne foi et j'ajoute que ce sont des emplois en sur-couche sur une activité déjà existante qui ne nécessitait pas forcément cette personne pour être effective. Après, que l'activité en elle même soit utile ou nécessaire, ça c'est un autre débat. M'enfin à ce stade, après avoir déjà mentionné deux thèmes d'économie qui se courent après et avoir fait une définition plus juridique mais plus longue, vous noterez que j'ai déjà perdu la moitié des lecteurs et que déjà maintenant je peux écrire ce que je veux, coin coin piscine shampoing caca, vous voyez tout le monde s'en fout, il n'y a déjà plus personne, je vais limiter le carnage.

 

Bref je continue et je rentre dans le vif du sujet. Exemples.

A chaque entrée de la fac, de 7h à 20h vous aurez au moins une ou deux personnes qui attendent. Quand je dis entrée, je parle aussi de micro petits chemins (le campus n'est pas totalement ouvert, on ne peut y accéder que par de grandes rues ou certains petits chemins à travers la forêt, si si). Alors pourquoi sont-ils là? Pour dire bonjour. Et dire à ceux qui essayeraient qu'entrer en vélo par ici est interdit. M'enfin deux bonhommes toute la journée et par chemin, ça fait un peu beaucoup.

A la sortie du supermarché près de chez moi, le parking donne sur une voie, il est vraie, assez empruntée. Bon, l'automobiliste japonais, en personnage avisé, devrait être en mesure de checker quand il peut passer. Meuh naaan, tranquille, au moins deux mecs sont payés pour et manient avec une dextérité tout à fait experte une petite matraque rouge fluo dotée de LED rétro-éclairantes. Le même type d'emplois se trouve par exemple à la Candle Night dont j'ai récemment posté des photos. A chaque passage piétons (qui ont déjà leurs feus et leurs signaux) deux mecs étaient là pour gérer que tout se passe bien et d'autres plantés régulièrement dans la rue pour dire aux gens qui prenaient des photos de bien vouloir se tasser d'un côté car il y avait des passants (vous devez même en avoir un en photo normalement).

Dès qu'un chantier touche un tant soit peu la chaussée, au moins un gus est payé pour annoncer aux gens qu'ils doivent faire attention et faire le tour, et ce en plus des déjà présents panneaux et clignotants d'usage. C'est vrai que, sinon, je serais rentré dans la bétonnière.

Dans les trains, il y a deux mecs. Deux conducteurs en fait. Un de chaque côté. Parce que faut pas non plus se fouler à traverser tout le train au terminus pour changer de l'avant à l'arrière. Pi l'autre a comme activité pendant ce temps de dire le nom des stations (et oui ce n'est pas automatique) ainsi que de rabattre les stores des trains du côté où il y a le soleil.

Bon, je pourrais continuer longtemps. Alors il ne faut pas voir dans mon ton un chouilla ironique un mépris pour ces gens, au contraire. C'est juste que selon les standards auxquels je suis habitué dans l'hexagone, il est vrai que leurs boulots ont l'air inutile, ou du moins pas super crazy. M'enfin déjà, ce n'est pas plus mal puisque la plupart du temps ce sont des boulots de sécurité et/ou de conseil, d'information, du coup ça aide toujours, on en a rarement trop (les évènements touristiques sont super bien encadrés au Japon).

Puis c'est de l'emploi. Alors il ne faudrait pas penser qu'en ces matières le patron japonais est simplement cool et emploie des gens parce que c'est fun. Nan. S'il aime employer du monde pour satisfaire le client, il n'aime pas non plus dépenser comme ça. Ce sont bien des obligations légales qui ouvrent ainsi un panel d'emplois peu qualifiés et qui sont souvent plutôt cool (y comprendre pas trop épuisants, mais tout de même, ils restent debout une bonne partie de la journée) et donc exécutés le plus souvent par des personnes âgées. Alors pourquoi spécialement, j'aurais du mal à le dire. Je ne peux que spéculer. Je pense que c'est pour compléter des pensions de retraites qui seraient maigrichonnes ou simplement la volonté de ne pas basculer à charge de la société ce qui est vécu par beaucoup de japonais, comme je l'ai déjà dit, comme un truc pas très tip top. M'enfin ne vous inquiétez pas, je suis plutôt intrigué, l'investigation n'est donc pas finie.

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